نقاش جدي حول الإقتصاد التونسي
تحيين
في حالة وجود إشكال للاطلاع على الحوار هذاية... هذية بعض المقتطفات
Mouatinoun : On constate un décalage constant entre d’une
part le discours officiel qui vante les performances réalisées
dans le domaine économique et social , et d’autre part
le quotidien vécu par les citoyens. Qu’en est il au fait ?
Pr. Mahmoud Ben Romdhane : Il faut reconnaître dans le
discours officiel une part de vérité, une autre d'exagération
et, enfin, une part d’occultation.
La part de vérité réside dans la situation macroéconomique et
financière d’ensemble. La croissance est relativement élevée en
comparaison avec la moyenne mondiale. Les équilibres financiers
externes sont assez bien maîtrisés : nos réserves en
devises couvrent quatre à cinq mois d’importations, alors qu’au
milieu des années quatre-vingt elles étaient taries et qu’il nous
fallait emprunter sur le marché de la «hot money» (le marché du
très court terme à des conditions d’enfer) pour payer des marchandises
débarquant dans nos ports ou pour rembourser des
dettes venues à échéance. Nous gardons encore un taux d'endettement
relativement élevé (autour de 50 %), mais le service
de la dette reste tenable : le remboursement de la dette absorbe
environ 14% de nos recettes en devises, sachant que le seuil
limite recommandé est de 20% et que la Tunisie des années
quatre-vingt en était aux alentours de 30%. Les règles d’une
saine gestion macro-financière (celles de Maastricht qui s’imposent
aux pays de l’Union Européenne) limitent à 3 % le double
déficit – celui du Budget de l’Etat et celui des opérations courantes
– et le taux de l’inflation. Nous sommes à l’intérieur de
ces limites ou à leurs frontières dans les trois cas. Ceci a permis
à la Tunisie d’améliorer sa crédibilité financière internationale,
et, du coup, la note qui lui est attribuée par les Agences de
«Rating». Nous avons désormais accès au marché financier
international auprès duquel nous pouvons lever des fonds à des
conditions relativement favorables et notre dépendance financière
vis-à-vis du FMI et de la Banque Mondiale s’en est sensi
sensiblement
allégée.
Voilà la part de vérité dans le discours officiel. Elle correspond à
une «photographie» de la situation. Sans être dénuée d’importance,
elle n’est qu’une partie de la réalité. Il reste à poser des
questions concernant la solidité de l'économie; ou de son avenir
et de ses ressorts. Ce faisant, on dépasse le simple constat
"photographique" pour l'approfondissement analytique.
Mouatinoun : Vous avez évoqué des vérités, des exagérations
et des occultations. Nous aimons savoir et surtout
avoir par l'exemple un complément d'informations concernant
ces trois points?
Pr. Mahmoud Ben Romdhane : Je peux commencer par le
taux de chômage : un taux élevé, comptant parmi les plus élevés
du monde. On est aux environs de 14,5% selon les statistiques
officielles dont il faut souligner qu’elles le définissent de
manière très restrictive. Au demi-million de chômeurs officiels, il
faut ajouter 300 000 employés dans les chantiers publics, travaillant
de manière saisonnière et rémunérés à un demi-Smig.
Cela donne un taux de chômage et de sous emploi de 22 à 23
%. Quant au chômage, il touche essentiellement les jeunes et
de plus en plus les diplômés de l’université. Cette situation est
porteuse d’une fracture dans le Contrat Social qui a cimenté la
Tunisie durant le demi-siècle passé. Le diplôme est de moins en
moins la clef de la reconnaissance sociale et de l’accès à un
emploi qualifié et, ce faisant, de la promotion sociale. La Tunisie
a, depuis le XIXème siècle, porté comme valeur fondamentale la
scolarisation et l'éducation. Toutes les élites actuelles sont dans
une très large mesure issues des catégories populaires ou
moyennes. Elles sont devenues telles essentiellement grâce
aux diplômes. Aujourd’hui, l’accès à l’emploi qualifié s’effectue
de plus en plus grâce au capital social des parents, à travers «
l’héritage ». Cette source nouvelle de fragmentation fragilise les
classes populaires mais aussi les classes moyennes. Pour ces
catégories sociales, le temps est celui de l’inquiétude générale
devant l’avenir. Leurs enfants, quand ils ont la chance d’être
diplômés sont de plus en plus nombreux à être condamnés au
chômage de longue durée et, quand ils arrivent à décrocher un
emploi; ils sont le plus souvent affectés à des postes subalternes,
sous-rémunérés. Parfois, ils sont prolétarisés, réduits à
des tâches manuelles.
Cette question n’est pas simplement une question de chômage
; elle est multidimensionnelle en ce qu’elle pose la problématique
en des termes globaux : politiques, économiques et
sociaux. Elle pose, à tout le moins, la question de la qualité du
système éducatif tunisien –une qualité en détérioration grave et
rapide-; la question du système économique –un système de
faible niveau technologique et générant des emplois de faible
qualification- ; et la question de l’investissement qui est confronté
depuis maintenant cinq ans à une crise grave. Et, contrairement
aux apparences, ces dimensions sont intimement liées :
en leur centre, se trouve le système politique.
Dr. Abdeljelil Bedoui: J'exprime en premier mon accord avec
les indicateurs présentés par mon collègue, concernant les équilibres
macroéconomiques qui ont été améliorés, mais aussi au
sujet du rythme de croissance qui avoisine actuellement le rythme
traditionnel de 5% après la période de baisse des années
quatre-vingt. Au-delà de cette dimension que mon collègue a
qualifié de "constat photographique", Une vraie question concerne
la démarche scientifique et objective que nous devons retenir
afin de procéder à une évaluation et un bilan objectifs aussi
bien d'une situation que d'une période.
La démarche classique en économie consiste tout simplement à
comparer les avantages et les coûts, ou d'une autre manière
comparer les performances et les insuffisances. Notons aussi
que la présentation qui penche vers l’autosatisfaction nous
avance toujours les avantages et occulte le coût subi par la collectivité
et le partage de ce coût entre les principales composantes
de cette collectivité. Tout bilan doit admettre cette
démarche et visionner les choses sous cet angle d'approche.
A mon avis, les performances réalisées n'annoncent guère un
passage vers d'autres paliers de la croissance, et ceci malgré
les améliorations des équilibres macroéconomiques qui doivent
- selon les institutions internationales - avoir une influence favorable
sur la croissance. On a attendu de l'application du
Programme d'Ajustement Structurel (PAS) et le passage vers
une économie de marché, qu’ils améliorent les équilibres
macroéconomiques et assurent une relance de la croissance.
Or, malgré l’amélioration de ces équilibres macroéconomiques,
il n'y a pas eu de relance de la croissance qui permette de
résoudre les problèmes posés et notamment celui du chômage.
Nous pouvons dire aussi que les résultats obtenus l’ont été sur
des bases fragiles et hypothèquées.
Fragiles parce que la croissance à l'origine de ces améliorations
des équilibres macroéconomiques, a été obtenue grâce à un
triple "dumping" :
le premier est d'ordre social, a été consécutif aux deux révisions
du Code du Travail de 1994 et 1996. Il a débouché sur un
accroissement substantiel des emplois précaires, sur une décélération
du salaire moyen courant, sur une détérioration - pour
certaines catégories sociales - de leur pouvoir d'achat et une fragilisation
de la couverture sociale et des relations professionnelles.
Ceci explique pourquoi la situation sociale actuelle est
chargée de multiples tensions, qui s'expriment de plus en plus
par des actions non traditionnelles, à l'image des occupations
des lieux du travail, des grèves sauvages ou même des grèves
de la faim et autres.
Une situation exceptionnelle et inhabituelle apporte son lot de
réactions tout aussi exceptionnelles et inhabituelles. Une catégorie
sociale a payé le prix fort, ce sont les salariés.
le deuxième dumping est d'ordre fiscal. La croissance a été
obtenue suite au renoncement de l'Etat à encaisser une partie
importante des ressources fiscales, au nom d'exonérations
consacrées par la loi, sans oublier les subventions de tous
genres accordées aux investisseurs. Cette situation a permis le
maintien d'une dynamique perverse, à savoir le maintien de
cette politique de subventions en l'absence des ressources traditionnelles
d'autrefois à l'instar de la rente pétrolière ou de
taxes douanières importantes sur les importations. Ces ressources
se sont érodées. La rente pétrolière laisse la place à un
déficit énergétique et le volume des taxes douanières a connu
dans son ensemble une réduction importante.
Le maintien de cette politique et le tarissement des ressources
traditionnelles conduit l'Etat à augmenter la pression fiscale sur
ceux qui ne peuvent y échapper, à l'instar des salariés qui supportent
45% des recettes fiscales directes, alors que leurs revenus
nets ne représentent que 26% du PIB. Le recours à la privatisation
permet à l'Etat de dégager des moyens additionnels,
sans oublier l'endettement interne et externe.
Ce dumping fiscal est en train de fragiliser – à tout le moins - la
situation macroéconomique et de l'empêcher de s'améliorer,
sans oublier le coût supporté par la collectivité, du fait aussi bien
du renoncement aux ressources fiscales que des subventions
consenties. Cette double perte entraîne logiquement un renoncement
à un ensemble de projets ou des amputations sur les
budgets de divers secteurs sociaux (la santé, l'enseignement ou
autres).
Le troisième dumping est d'ordre monétaire. Nous constatons
que le Dinar perd continuellement de sa valeur, avec pour objectif
de soutenir les exportations. Ce qui se répercute sur le coût
des produits importés, aussi bien les dérivées du pétrole, les
céréales, le fer et tant d'autres. Ceci se traduit aussi par des tensions
inflationnistes de plus en plus manifestes, à savoir 4,5%
pour l'année 2006. Ces tensions inflationnistes se répercutent
sur le budget de l'Etat par l'augmentation du coût des subventions
et entraînent une détérioration du pouvoir d'achat des
ménages.
Le maintien de cette logique et surtout cette inlassable
recherche à embellir "la photo" se fait sur des bases fragiles et
se traduit par un coût assez élevé pour la collectivité et essentiellement
pour certaines classes sociales.
Cette croissance est bel et bien hypothéquée, car elle se base
sur un accroissement de l'endettement de tous les agents. Les
institutions financières dont les créances douteuses restent très
élevées, malgré une amélioration du ratio des ces créances par
rapport aux engagements des banques. Le montant en luimême
reste énorme, à savoir aux alentours de 5.200 millions de
dinars tunisiens, ce qui fragilise tout le système de financement
de l'économie. Le durcissement des conditions d'octroi des crédits
qui en résulte fragilise encore plus la situation des PME. En
deuxième lieu, viennent les entreprises dont la situation financière
reste toujours fragile, bien qu'elles bénéficient de tous ces
transferts. On constate certes une légère amélioration du taux
d’autofinancement, mais pas au point de dire que les entreprises
peuvent garantir la permanence de la croissance économique.
L'endettement public quant à lui a baissé, au début des années
quatre-vingt-dix comparé aux années quatre-vingt, mais a
connu de nouveau une augmentation depuis la fin des années
quatre-vingt-dix. Cette situation explique le recours de l'Etat à
des opérations de privatisation, mais aussi à des redressements
fiscaux à répétition, et généralement arbitraires, car ils ne touchent
pas d'une manière égale tous les acteurs économiques.
De leur côté, les ménages connaissent à leur tour une augmentation
de leurs endettements, aussi bien auprès des sources formelles
(banques) ou informelles sur lesquelles on manque de
données (l'épicier du quartier et autres).
La croissance aussi ne se partage pas équitablement, sachant
que les riches d'autrefois et ceux d'aujourd'hui, doivent leurs
situations à l'Etat. Autrefois grâce aux transferts multiples opérés
par les pouvoirs publics et grâce au soutien et à la protection
de l’Etat. Mais depuis vingt ans, grâce à la privatisation de l'Etat
lui-même et de ses institutions clefs, à l’avantage de nouveaux
groupes de riches qui détournent à leurs profits une partie
importante du patrimoine et des richesses créées.
L'investissement privé local marque, malgré toute cette batterie
d’incitations et d'exonérations, un comportement de désarroi et
de repli. Du désarroi provoqué par une dégradation de l'environnement
institutionnel et des conditions "des affaires". Du repli
aussi sur les activités traditionnelles intensives en mains
d'oeuvres non qualifiées, ou profitant et bénéficiant d'une certaine
protection et d'un appui de l'Etat (Agriculture, agro-alimentaire,
BTP).
Cette situation ne fragilise pas la croissance seulement, mais
la menace, parce que sans investissement, il est impensable
d'entretenir la croissance, encore moins de la faire porter vers
d'autres paliers. Sans oublier évidemment l’absence d’un renforcement
du tissu productif qui reste principalement constitué
d’activités intensives en mains d'oeuvres non qualifiées. Sachant
(selon les statistiques officielles) que soixante milles nouveaux
diplômés arrivent chaque année sur le marché du travail, dont la
moitié seulement a pu trouver des opportunités d’emploi, en
grande partie des emplois assistés par les pouvoirs publics (en
2005, 53% des emplois créés l'ont été grâce à l'assistance de
l'Etat, contre 45% en 2002).
Ainsi, les performances affichées, le sont sur une base très fragile,
et menacent réellement l'avenir de la croissance même et
des équilibres sociaux en termes d'emplois, de revenus, d’équilibres
entre les régions, les catégories sociales et les générations.
3 التعليقات:
Bonsoir Tarek, J'ai remarqué ces dernièrs années une participation trés active de plusieurs spécialistes tunisiens en économie dans des débats. Des économistes comme Mouhcin Toumi et Chadly Ayari ont contribué à enrichir la question. Le problème se pose toujours en Tunisie au niveau des études de terrain qui manquent beaucoup surtout des enquêtes faites par des institutions indépendantes car ns spécialistes part généralement dans leurs analyses à partir de chiffres données par l'Etat ou par des institutions intenationales.
Je ne suis pas économiste et je n’ai pas lu les articles dont parle Tarek. Je veux cependant exprimer quelques remarques.
1- Je ne suis pas sûr que le taux de croissance soit le meilleur indicateur de la performance d’une économie donnée. Je m'explique.
- Selon le FMI, le PIB de la Tunisie en 2004 se situe aux alentours de 77 371 millions de dollars.
- 5% du PIB ~ 3868 millions de dollars
- Le PIB de la France pour la même année, et selon la même source, se situe aux alentours de 1 724 647 millions de dollars.
- 1% du PIB ~ 7246 millions de dollars
Cet exemple montre que, bien que la croissance tunisienne soit 5 x supérieure à celle de la France, l’augmentation, sur une année, des richesses créées en France est plus grande, en absolu, que celles créées en Tunisie. Quant aux richesses créées proprement dites, elles sont 22 fois plus grandes coté français ..
Conclusion : le PIB, et le PIB par habitant, sont les meilleurs indicateurs, à mon avis, de la performance d’une économie d’un pays donné.
2- Il existe plusieurs politiques qui permettent de relancer l’économie d’un pays. Il y en une qui me semble primordiale : faciliter l’accès aux outils de production de richesses, et leur distribution auprès des consommateurs, en Tunisie, et dans le monde entier.
Ce qu’il nous faut :
- De l’énergie, des matières premières et des outils de production, à un coût aussi bas que possible.
- Une infrastructure routière, portuaire et aéroportuaire moderne.
- Des ressources humaines (des ingénieurs et des managers) hautement compétentes.
- Une culture du travail et de l’entreprenariat.
@tarek : le lien que tu as mis est inaccessible à partir de la tunisie. la 404 baché l'a écrasé. Peut etre parce que c'est un parti reconnu.
On ne peut pas juger ce qu' a dit Dr Ben Romdhane ou Dr Bedoui.
@Saied:
Le PIB est un indicateur de richess créé sur une année c'est à ,dire c'est un indicateur de flux et pas de stock (richesse cumulée) l'utilisation d'u taux de croissance ne sert pas à juger l'économie d'un pays mais c'est un indicateur parmi d'autres.
Pour l'exemple que tu as donné c'est un bon exemple pour illustrer de la théorie de ctach-up de solow mais ce n'est pas l'objet.
Pour les politiques de relances, je suis tout à fait d'accord avec toi sur leur portée et utilité mais ce que tu presentes comme necessaire à la Tunisie ne releve pas de politique de relance mais de politique de developpement et par exemple pour "Une culture du travail et de l’entreprenariat" il ne faut des années ans pour l'acquerir
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